De grandes bouffées d’air brûlant, comme un asphalte fondu, emplissent ses poumons. Le soleil équatorial lui brûle la peau, tandis que le vent lui joue des tours et donne l’illusion de fraîcheur. Il ne s’est pas encore rendu compte que sa crème solaire a fondu et que ses lèvres commencent à gercer.

S’il avait demandé aux habitants pourquoi ils se protègent sous de larges chapeaux, ils l’auraient prévenu… mais il est trop tard : tous ses sens sont braqués sur le sommet. Expiration après expiration, il s’en approche. Le sommet du Pico do Fogo est à portée. Il n’est plus question de reculer. 

alpiniste professionnel originare du karakoram au Pakistan, a rencontré sa femme Marisa il y a 18 ans avant de s’installer avec elle à Fogo. En parallèle d’une carrière qui l’a vu grimper avec des légendes comme Adam Ondra, il gère désormais la guesthouse Casa Marisa. Il grimpe ou fait du bloc chaque jour, ouvrant sans cesse de nouvelles voies sur la falaise derrière sa maison : un mur si exigeant qu’il rivalise avec El Capitan, à Yosemite.

“Musti a eu la gentillesse de récupérer mon vélo à l’aéroport.” se souvient Gaspi.  S’ensuivit une épopée administrative en quatre actes, qui s’est achevée avec une taxe d’importation hallucinante de 85 %, alors même que les voitures et motos électriques en sont exemptées pour raisons environnementales.

“Le matin, il fait froid et le vent souffle fort. L’Atlantique est glacé. Puis le soleil se lève, et pendant quelques minutes c’est agréable… avant qu’il ne se mette à brûler comme du feu. Une question tourne sans cesse dans ma tête : Aurai-je assez de batterie pour atteindre le sommet ? Personne ne le sait. Personne n’a essayé.”

La trace serpente entre collines rocailleuses et herbes clairsemées, avec des roches volcaniques acérées comme des dents brisées. Les habitants s’arrêtent, curieux. Les enfants courent derrière lui, fascinés par cet ebiker qui se dirige vers une montagne qu’ils regardent avec crainte et respect.

“Ils me suivent un moment, puis s’arrêtent.” raconte-t-il en souriant.

mais plus il monte, plus il doit descendre du vélo et pousser — le mode walk-assist allégeant un peu la charge. Finalement, il n’a d’autre choix que de mettre son vélo sur ses épaules et de grimper comme il peut.

Il est hypnotisé par le sol : un mélange de terres et de pierres rouges et jaunes, teintées d’oxydes de fer, comme un astronaute posant le pied sur une planète étrangère. Il avance grâce à l’eau de sa poche d’hydratation — chaque gorgée est une bouée de sauvetage dans ce désert noir et sans vie.

Les disques de frein sont hors d’usage, brûlés par la surchauffe. “Avant et arrière : complètement cuits.”

“Beaucoup pensaient que j’étais fou. Mais après avoir surmonté les défis logistiques, et maintenant en voyant comment ce voyage influence la législation locale en plaçant les ebikes au même niveau que les VE, trottinettes électriques, panneaux solaires et batteries — tous exempts de taxes — peut-être que cela avait un sens. Peut-être que ce n’était pas une simple folie, finalement !” sourit Gaspi.